L´AMANDIER et L'ESCLAVAGE DES ABEILLES EN CALIFORNIE
Il y a une semaine, j'ai découvert la monoculture d'amandes en Californie grâce au film "Legacy" de Yann Arthus-Bertrand.
L'image de ces vastes champs d'amandiers m'a choqué car derrière les magnifiques floraisons annuelles se cache l'esclavage des abeilles "louées" et importées.
J'ai alors voulu y plonger et aller au-delà de la botanique et des vertus de l'amandier...
Caractéristiques botaniques
Amandier
Prunus amygdalus, Prunus dulcis
Arbre de la famille des Rosacées, genre Amygdalacées (de son nom latin, Amygdalis), ou Prunus(Abricotier, Amandier, Cerisier, Pêcher, Prunier).
Étymologie : le nom du genre Prunus vient du latin où il désigne le prunier, et amygdalus vient du grec qui désigne l'amande.
Origine : Asie centrale. Dès le Vème siècle avant J.C., l'amandier est introduit progressivement vers la Grèce, les grecs le diffusent dans le reste de l'Europe méridionale. En France, son introduction dans le midi remonterait aux alentours de 1548. En Espagne il aurait été introduit par les Phéniciens, en Afrique du Nord par les Arabes.
L'amandier est un arbre typique des régions méditerranéennes. Il est indigène en Arménie, en Azerbaïdjan, au Nord-Est de la Turquie et en Iran. C'est après qu'il a été domestiqué au Proche-Orient, au cours du Chalcolithique, plus communément appelé l'Age de bronze, que sa culture s’est diffusée dans le pourtour méditerranéen. Plus tard, il a gagné des régions du monde plus arides où il n'y a pas de période de gelée au cours de la floraison en Chine, en Amérique, en Afrique du Sud, en Australie et plus récemment en Californie.
Ses fleurs blanc rosé apparaissent avant les feuilles, et annoncent la venue du printemps. Dans les régions au climat méditerranéen, les amandiers en fleur offrent aux abeilles un nectar d'excellente qualité, et celles-ci assurent la pollinisation.
Cet arbre valorise les terres pauvres, étant capable de pousser sur des sols dolomitiques, secs, caillouteux et pauvres en matière organique. Il peut croître sur des sols légèrement salés et se plaît particulièrement sur le sol calcaire. Ses seules exigences sont un sol profond et perméable.
Richesse médicinale et nutritionnelle
Les amandes sont riches en fibres, vitamines et minéraux, notamment le magnésium et le fer. Cette richesse nutritionnelle en fait un excellent aliment pour la femme enceinte, les sportifs, les enfants ou encore les personnes en convalescence. Leur teneur en antioxydants permet de réduire les risques de maladies cardiovasculaires, d'hypertension et de diabète. Entre autres, les feuilles de l’amandier facilitent la digestion, sont efficaces contre la perte de la mémoire, et participent à la prévention de nombreuses maladies comme le Parkinson.
Les fleurs et les coques sont très utilisées contre les affections broncho-pulmonaires, les démangeaisons et les irritations cutanées. En effet, l´huile essentielle et l´huile végétale d´amande amère/douce sont très appréciés pour ses vertus tonifiantes et stimulantes de la peau.
Histoire de la domestication de l'amandier
D'un point de vue ethnologique, "une espèce ou un écosystème domestiqué est à relier des actions et des modes d’appropriation ou d’interactions symboliques ou concrètes agissant sur la biologie de l'espèce ou des écosystèmes - usages, représentations et pratiques appliquées dans des contextes territoriaux, sociaux et politiques - peu discutés dans le champ de la domestication (Aumeeruddy-Thomas et al. 2017). La domestication peut s'envisager comme l'appropriation et le façonnement d'un matériel sauvage en vue de faire évoluer ses caractéristiques sous l'action conjointe des hommes et de la biologie évolutive de l'espèce, caractéristiques que les hommes s'emploient à perpétuer et maintenir au cours du temps"(1).
L'amandier fut d'abord domestiqué au Proche-Orient, mais c'est aujourd'hui la Californie qui en est le premier producteur mondial. Selon les hypothèses qu'est venue confirmer une étude scientifique menée en 2010, l'ancêtre de tous les amandiers est Prunus fenzliana, une espèce indigène du nord de l'Iran.
Le processus de domestication a été long pour obtenir des arbres fruitiers portant des amandes douces. C'est grâce à la sélection de spécimens produisant des fruits doux au sein de populations d’amandiers sauvages aux fruits amers qu'elle a été rendue possible. Le gène de l’amertume étant récessif, il a permis d'éliminer certaines populations d'amandiers aux fruits amers.
Au Maroc, deux grandes catégories d’amandes sont distinguées : celles issues des amandiers beldi - litt. du pays-, et celles issues des amandiers romi - romi se réfère à d’anciens envahisseurs chrétiens et est couramment utilisé pour désigner ce qui vient d’ailleurs ou est étranger au lieu (Simenel 2010).
Dans les cultures méditerranées traditionnelles, le paysan dessine et modèle l’architecture de l’arbre tout au long de sa vie : il nettoie les rejets à la base, de même qu’il sélectionne les rameaux qui ont suffisamment d’espace pour se développer. Les amandiers sont souvent associés à d´autres cultures et très protégés. Quelques pratiques de protection sont menées par les paysans et ses enfants, et s'exercent de manière continue, comme un processus actif, qui évite les vols, et légitime la propriété de l'arbre et de la récolte - un arbre délaissé est considéré comme un arbre dont les fruits sont accessibles à tous. Les propriétaires récupèrent ainsi la bénédiction divine par un système où l'arbre sert d'intermédiaire entre l'homme, Dieu et les pauvres.
L'amandier comme un lien avec les ancêtres
"Un amandier peut vivre une centaine d'années, et ainsi perdurer le temps de quatre générations humaines. L'arbre incarne de manière concrète un lien avec le passé. Il rattache les vivants aux ancêtres à ceux qui autrefois l’ont planté". Chez les méditerranéens, certains amandiers évoquent des souvenirs que l'on souhaite garder vivants y compris la souche d'un arbre mort, qu'on souhaite conserver dans un champ, comme un dernier vestige de l'époque éloignée de nos ancêtres.
Par ailleurs, "les arbres sont ainsi un moyen de s'approprier une terre ou un héritage. Abattre un arbre vivant est considéré comme un interdit, et dans certains douars, il y a même découplage entre héritage de la terre et héritage des arbres. Les amandiers traversent alors les générations et permettent ainsi l'appropriation et le marquage de l'espace social dans le temps"(1).
Si dans les pays méditerranéens sur chaque espèce d'arbre et de son écologie se tissent des liens spécifiques entre les hommes, les lieux habités, les ancêtres, ceux venus d’ailleurs et la dimension sacrée des territoires, en Californie la production d´amandes en monoculture est un système agricole à fort impact environnemental négatif...
La production d´amandes en Californie
La Central Valley de Californie produit 80% des amandes du monde et a doublé la surface des terrains d´amandiers entre 2005 et 2014 car devenu un produit agricole exporté très lucratif. Une étude (2) révèle qu'entre 2007 et 2014, la superficie des terrains d'amandiers a augmenté de 14%, or ces cultures ont pris la place de champs de maïs, de coton ou de tomates. Un système de culture intensive sur plus de 320 000 hectares qui peut avoir de lourdes conséquences sur la biodiversité et l'environnement.
Il s'agit d'un modèle intensif et agressif puisque il recourt massivement aux pesticides, à l'irrigation, et à la pollinisation des abeilles. Les fleurs d'amandiers californiens sont presque toutes auto-incompatibles (elles ne peuvent pas se féconder toutes seules), elles ont donc besoin d'insectes pollinisateurs pour produire des amandes. La Californie requiert donc près de la moitié des ruches de tous les coins des EUA pour permettre à sa production de se maintenir. Les pesticides étant néfastes pour les abeilles, leur mortalité est malheureusement forte. De même si certaines productions se sont mises à polliniser par drones ces dernières années, l´esclavage des abeilles reste une pratique courante et inacceptable.
S'il n'y a pas d'abeilles, il n'y a pas d'amandes...
La pollinisation "commerciale" des amandiers s'étend sur une période de 22 jours en février. C'est une tâche impossible à accomplir pour les abeilles locales : il y a trop d’arbres à polliniser et trop peu d’abeilles et insectes pollinisateurs dans les champs d´amandiers. Les apiculteurs louent alors leurs abeilles aux agriculteurs. Ainsi 60% des abeilles "commerciales", soit 1.6 million de colonies d’abeilles états-uniennes, sont importées en Californie chaque année. Les Apis mellifera, abeilles domestiques européennes, visitent plus de 800.000 parcelles chaque année, de Sacramento à Los Angeles, et travaillent comme esclaves dans les vergers d'amandiers de Californie...
"Le transport de ces insectes leur cause énormément de stress et les pics de chaleur affectent les reines. Les abeilles se restreignent à un régime de nectar d'amandiers au lieu de se délecter d'un mélange de fleurs aux protéines diverses". L'agriculture intensive et chimique est à la fois responsable du déclin des abeilles et dépendante des abeilles mellifères pour la pollinisation des plantes des cultures. C'est un paradoxe facile à résoudre: il suffit de passer de la monoculture intensive et chimique à l'agro-écologie et à l'agrodiversité.
Pas d'abeilles, pas de fruits, pas de légumes, pas d'amandes!
Les abeilles sont malheureusement trop souvent exposées aux pesticides, aux nuisibles, aux fongicides et autres produits chimiques qui affaiblissent leur système immunitaire. Les pollinisateurs deviennent les hôtes de virus qui les font voler plus lentement, agir de façon insensée ou mourir prématurément. "Si vous cherchez ce qui cause le déclin des abeilles, l'agriculture industrielle tient certainement un rôle majeur" (2).
Leur circuit débute en février avec les amandes californiennes pour finir en hiver en Floride avec le poivre brésilien...
Pensez à tout cela au moment de faire vos courses et privilégiez les produits en circuit court, bio et éco responsables, ou sinon labellisés "commerce équitable" pour les produits exotiques et importés.
Renseignez-vous sur l'origine des miels, soutenez les apiculteurs écologiques et les bonnes pratiques en apiculture comme en agriculture afin de contribuer à la conservation de la biodiversité. L'enjeu est primordial : celui de conserver l'une des espèces les plus utiles de la planète de manière très directe et très visible. Au-delà des bienfaits potentiels des amandes sur notre santé, si toutefois elles sont consommées nature et en quantité limitée, elles ne sont absolument pas indispensables. Mais les abeilles sont indispensables, et nous avons le devoir de les protéger aussi pour la suivi de notre espèce...
Régiane THEYSS
Références:
(1) Revue d’ethnoécologie, Supplément 1 | 2017, Les sociétés jbala et la nature - Des semis et des clones, Malou Delplancke et Yildiz Aumeeruddy-Thomas.
(2) https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/biodiversite/les-abeilles-menacees-par-la-production-d-amandes-en-californie_105277
https://www.rustica.fr/plantes-medicinales/bien-etre-naturel-amandes,267.html
https://ecotree.green/blog/focus-sur-l-amandier
https://mythevegetarien.wordpress.com/2019/08/28/si-vous-mangez-des-amandes-vous-netes-pas-un-vrai-vegan/#:~:text=80%25%20des%20amandes%20du%20monde%20sont%20produites%20en%20Californie.&text=C'est%20une%20t%C3%A2che%20impossible,abeilles%20de%20tout%20le%20pays.
http://www.lesarbres.fr/amandier.html#:~:text=%C3%89tymologie%20%3A%20le%20nom%20du%20genre,Origine%20%3A%20Asie%20centrale.&text=L'Amandier%20est%20l'arbre,sa%20production%20s'%C3%A9puise%20rapidement.
https://www.dur-a-avaler.com/abeilles-amandes-californie-amandiers-pesticides-effondrement-colonies/
https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.sciencesetavenir.fr%2Fanimaux%2Fbiodiversite%2Fles-abeilles-menacees-par-la-production-d-amandes-en-californie_105277&psig=AOvVaw0D8xMdJla5EJI5LoyylBoW&ust=1612394646095000&source=images&cd=vfe&ved=2ahUKEwjK1JuirMzuAhXEEbkGHe0ED5oQr4kDegUIARDTAQ
Commentaires
Enregistrer un commentaire