Le parfum de séduction des "abeilles à orchidées"
L’observation d’une de ces abeilles spéciales est une expérience extraordinaire et j´ai eu cette chance pendant une promenade à São Paulo. Elles brillent comme des "bijoux volants", caractérisées par des couleurs métalliques brillantes du bleu au vert, du brun au rouge et pourpre doré. Elles pollinisent joliment les fleurs, faisant du monde un endroit plus poétique.
Les "abeilles à orchidées" ou euglossines sont celles de la tribu des Euglossini, de la famille des Apidae. Elles vivent dans les forêts tropicales du Mexique, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud où elles jouent un rôle écologique majeur à la biodiversité, car elles pollinisent des plantes à fleurs comme les orchidées, les aracées et les noyers du Brésil. Elles passent leur vie à bourdonner en quête d´orchidées exotiques, la principale source des parfums qu´elles élaborent. Oui, ces abeilles sont des parfumeurs uniques au monde!
Chez les euglossines, les mâles récoltent le parfum des fleurs et d'autres sources de composants odorants comme des fruits, des champignons et des résines, avant de rejoindre un site de parade nuptiale, en général une zone ouverte dans la forêt, où ils diffusent ensuite leur flagrance afin d'attirer les femelles.
Les mâles produisent des sécrétions lipidiques avec leurs glandes labiales afin d'absorber les composés odorants, ils étalent une substance grasse sur la matière odorante pour en extraire le parfum – les parfumeurs d’autrefois utilisaient exactement la même méthode, l´enfleurage. Ils stockent le liquide parfumé dans une poche spéciale de leurs pattes postérieures. Ensuite, la vibration des ailes postérieures permet la vaporisation du parfum afin d'attirer les femelles par frottement des peignes sur les brosses. Cette danse aérienne fait de l’observation de ces abeilles iridescentes une expérience fascinante, je le confirme!
Sur les espèces d'abeilles à orchidées
Il existe 213 espèces différentes dans les genres Eufriesea (65 espèces), Euglossa (112 espèces), Eulaema (27 espèces), Exaerete (8 espèces) et Aglae (1 espèce). La plupart des espèces sont solitaires, mais les Euglossa sont semi-sociales .Elles préfèrent rester seules, construisant un nid solitaire fait de résine végétale pour y pondre des oeufs et stocker le pollen et le nectar.
Certaines espèces visitent plus de quarante types d’orchidées rares éparpillées dans la forêt à une très faible densité. Ces abeilles doivent donc parcourir de longues distances pour les trouver. Collecter des senteurs demande alors aux euglossines énormément de temps et d’énergie. En outre, l'euglossine Euglossa viridissima est un pollinisateur naturel de la vanille Vanilla planifolia. En effet, les orchidées ont évolué de façon à confier ses pollinies à l'abeille qui les transmettra à une autre orchidée pour assurer la pérennité de l'espèce.
Les menaces qui pèsent sur les orchidées
Les orchidées sont des plantes herbacées autotrophes ou mycotrophes des régions tempérées, pour la majorité des espèces tropicales pour la plupart des épiphytes, bien que l'on trouve des lithophytes dans les forêts pluvieuses. De nombreuses espèces ont disparu ou sont menacées par la pression exercée sur le milieu qu'elles occupent par la déforestation, l´agriculture intensive et chimique, l´élevage, le drainage des zones humides et/ou par le déclin de leurs pollinisateurs (insectes, oiseaux, autres), notamment provoqué par l´application de pesticides et herbicides. L'attrait de ces fleurs pour les collectionneurs est également un facteur de réduction.
À Madagascar, p.ex., près de 2 300 espèces endémiques sont directement menacées par la déforestation. La situation est particulièrement préoccupante pour les orchidées avec 158 espèces en danger critique d’extinction. En effet, plus de la moitié (54 %) de la flore malgache est en danger.
En Guadeloupe, plus de 250 espèces de la flore sont menacées. Selon la Liste rouge des espèces menacées en France (UICN/2019), au total, au moins 5 espèces ont déjà disparu, 256 sont menacées et 110 autres sont quasi menacées (les arbres, les fougères, les orchidées et d'autres plantes à fleurs). La Guadeloupe présente un patrimoine naturel extrêmement riche mais fait face à un taux de déforestation particulièrement élevé, le plus fort de l'Outre-mer, soulignent les institutions pour qui "la destruction, la dégradation et la fragmentation des milieux naturels constituent les principales menaces affectant les espèces végétales".
L’Amazonie héberge une biodiversité phénoménale : 40 000 espèces de plantes, 3 000 espèces de poissons d'eau douce et plus de 370 de reptiles, soit une espèce sur dix connues sur Terre. Cette région a la particularité d’abriter des centaines de milliers d’espèces dont une majorité est encore inconnue et/ou non répertoriée. À cette biodiversité s’ajoute les 550 millions d’hectares de forêts denses, le tiers des forêts tropicales humides restantes de la planète et 6 600 km de rivières sinueuses.
L’évaluation mondiale des orchidées de la sous-famille des Cypripedioideae des zones tempérées de l’hémisphère nord, révèle que 79 % de ces plantes ornementales prisées sont menacées d’extinction. Cette situation est en grande partie due à la destruction de leur habitat et à la cueillette excessive des espèces sauvages pour le commerce local et international, et ce malgré le fait que le commerce international de toutes les espèces d’orchidées de cette sous-famille soit réglementé.
Et sur l’abeille, qui est au cœur de la biodiversité
Selon l´UNESCO (2020), "les pollinisateurs sauvages ont diminué en termes de présence et de diversité (et d’abondance pour certaines espèces) aux échelles locales et régionales. Les évaluations de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) indiquent que 16,5 % des pollinisateurs vertébrés sont menacés d’extinction au niveau mondial (ce chiffre atteignant 30 % pour les espèces insulaires)":
- 90% des plantes à fleurs sauvages dans le monde et plus d’un tiers des fruits, des noix, des graines dont se nourrit l’humanité ont pour origine l’activité de pollinisation des abeilles et autres insectes polinisateurs.
- La pollinisation est un processus fondamental pour la préservation de la biodiversité, la survie de l’humanité car de lui dépendent la reproduction des plantes sauvages et par conséquent la sécurité alimentaire.
- L’existence des abeilles est mise en danger par l’activité humaine et notamment par: le fractionnement de l’habitat, le développement de l’agriculture intensive en monoculture, la diminution de la résistance des abeilles aux parasites, l’utilisation croissante des pesticides. Ces mêmes causes qui favorisent l’émergence des zoonoses comme celle du COVID-19.
- Le ralentissement des activités humaines du fait de la crise sanitaire liée au coronavirus et l'hiver doux ont offert aux abeilles un peu de répit, avec une baisse de mortalité des abeilles.
- Les relations entre traditions et cultures humaines et abeilles sont encore entretenues de nos jours, notamment avec les populations Bayaka d’Afrique centrale dont les traditions de chasse au miel se perpétue de générations en générations. La cire sert également à de nombreuses activités depuis des milliers d’années telles que le moulage et les poteries des premiers agriculteurs du néolithique (il y a plus de 8500 ans).
R. Dressler, Biology of the Orchid Bees, Annual Review of Ecology and Systematics, 13, 373-394, 1982.
https://fr.unesco.org/news/journee-mondiale-abeilles-20-mai-2020
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