La force des femmes indiennes qui défendent les arbres et s´opposent à des multinationales

En Inde, dans les années 1970, la déforestation fait des dégâts. Des multinationales obtiennent de juteux contrats qui les autorisent à couper des arbres alors que les villageois.es des régions forestières n’ont pas toujours de droits sur les matières premières au milieu desquelles ils.elles vivent. Pour empêcher les arbres de leurs forêts d’être abattus, des femmes de l’Uttar Pradesh, une région située dans les contreforts de l’Himalaya, s’interposent de façon non violente en faisant rempart de leur corps, prenant les troncs des arbres dans leurs bras et les encerclant jusqu’à ce que les bûcherons renoncent à les couper.

Le mouvement Chipko a attiré l'attention du monde entier. L´image de paysannes pauvres des montagnes du nord de l'Inde enlaçant de leurs bras des arbres pour empêcher qu'on les abatte, est aussi touchante qu'admirable. La réalité, à maints égards, rejoint l'image: le mouvement Chipko peut vraiment être considéré comme une importante victoire dans le combat pour les droits de la femme, dans le processus du développement des collectivités locales grâce à la forêt et dans celui de la protection de l'environnement. Il a cependant d'autres répercussions plus complexes. Il importe de bien comprendre l'histoire de ce mouvement ainsi que le contexte dans lequel il a pris naissance et continue à évoluer.

Le terme chipko, mot hindi qui signifie «étreinte», a été employé pour désigner ce mouvement parce que les villageoises «étreignaient» littéralement les arbres, s'interposant physiquement entre eux et les bûcherons pour empêcher qu'on les abatte. Le mouvement Chipko est un mouvement écologique, qui se préoccupe de préserver les forêts et par là de maintenir l'équilibre écologique traditionnel de la région préhimalayenne, dont les habitants ont de tout temps vécu en harmonie avec leur environnement. Il s'efforce donc de maintenir le statu quo ancestral entre les hommes et le milieu naturel. Ses partisans cherchent à démontrer que la politique forestière passée et actuelle du gouvernement indien a entraîné une dégradation de l'équilibre écologique de la région, ainsi qu'un déracinement de populations montagnardes dont la survie dépendait de la forêt, qu'elles défendaient avec infiniment de vénération et d'amour.

Presque toutes les familles villageoises possèdent de la terre, en général moins d'un demi-hectare. Le partage des rôles et les types de relations entre les sexes sont liés aux modes de culture et d'exploitation de la forêt. La position de la femme dans la société est régie par un système patriarcal d'organisation sociale. Traditionnellement, ce sont les hommes qui préparent la terre pour les cultures, en raison de tabous qui interdisent aux femmes d'utiliser la charrue. Par conséquent, les femmes ne peuvent jamais entreprendre elles-mêmes le démarrage des cultures; elles dépendent pour cela des hommes. Ce sont les hommes également qui possèdent la terre, par suite de la transmission patrilinéaire de la propriété chez les Hindous du Garhwal. En revanche, la main-d'oeuvre nécessaire par la suite est presque exclusivement féminine. Ce sont les femmes qui font les semis, le désherbage et la récolte. Il n'y a pas de cultures de "prestige" pratiquées par l'un ou l'autre sexe. La plupart des cultures de base sont assumées par les femmes, à condition que les hommes préparent le sol à la charrue, ce qui leur prend deux jours par campagne.

Les cultures annuelles pratiquées sont le blé, le riz, les légumineuses et les graines oléagineuses. L'agriculture vivrière, en règle générale, nourrit une famille moyenne de cinq personnes et peut être pratiquée de trois à six mois par an. Le reste de l'année, les villageois doivent chercher d'autres sources de subsistance. La plus proche est la forêt qui les entoure. Ainsi, l'agriculture sédentaire est associée à la cueillette de menus produits forestiers. Les villageois utilisent également le bois provenant de la forêt pour divers usages tels qu'outils agricoles, construction d'habitations et combustible pour la cuisine; ils récoltent le feuillage pour nourrir le bétail. 

Les habitants avaient générale ment libre accès à la forêt jusqu'en 1821, date à laquelle l'Etat commença à mettre progressivement la main sur les zones boisées. Chez certains groupes tribaux nomades, des lois coutumières spécifiaient leurs droits d'usage sur des territoires renfermant des ressources alimentaires vitales, mais la politique gouvernementale les dissociait expressément "de l'aménagement et de l'exploitation des peuplements forestiers" (Joshi, 1981).

Ces femmes ont alors conscience que de la survie de la forêt dépendait tout un écosystème, le maintien de la fraîcheur, le maintien des rivières, le maintien des sols et de la biodiversité. Osant s’opposer à la doctrine selon laquelle un avenir meilleur ne pourrait advenir qu’en se détournant de la nature, elles constituent des groupes de "câlineuses d’arbres" et deviennent les protectrices de la forêt, qui leur offre les moyens de leur subsistance. Elles sont rejointes par Vandana Shiva, à l´époque une jeune doctorante en physique qui fera des aller-retours entre l’Inde et le Canada, contribuant à faire connaître leur mouvement et dessinant les grande lignes d’un éco-féminisme à la sauce indienne.

Les forêts, “poumons verts” qui maintiennent des îlots de fraîcheur et protègent les sols de l’érosion, sont des éléments indispensables à l’équilibre des écosystèmes. Ce mouvement nous raconte une histoire de femmes et nature victimes du désir de pouvoir et de croissance du système patriarcal et capitaliste. 

Elles sont sorties victorieuses de leur combat car "l´homme ne possède ni la femme ni la terre"


Références: 

Extrait de 1982 citizens' report on the state of India's environment.

https://wetoofestival.fr/les-femmes-indiennes-du-mouvement-chipko/

https://www.liberation.fr/planete/2019/11/19/vandana-shiva-l-engraineuse_1764333

http://www.fao.org/3/r0465f/r0465f03.htm




Commentaires

  1. https://www.linkedin.com/posts/r%C3%A9giane-theyss-13542b82_la-force-des-femmes-indiennes-qui-d%C3%A9fendent-activity-6741852095906906112-bec4

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  2. J’aime beaucoup le terme “câlineuse d’Arbres”. Leurs actions du quotidien permet la survie de la forêt.. bravo

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  3. J’aime beaucoup le terme “câlineuse d’Arbres”. Leurs actions du quotidien permet la survie de la forêt.. bravo

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